L'ange du Bizarre, le romantisme noir - Musée d'Orsay
L'ange du bizarre, le romantisme noir de Goya à Max Ernst.
Empruntant son titre à un conte fantastique d'Edgar Allan Poe, l'exposition retrace un courant artistique qui traverse les arts visuels (peinture, dessins, sculpture et cinéma) tout au long du XIXe siècle dans le but de fasciner par l'horreur et le trouble.
Vampires, spectres, sorciers, châteaux hantés et villes mortes hantent aujourd'hui les créations de l'industrie du divertissement, symptômes d'un désir d'évasion et de frisson. Leur naissance artistique remonte paradoxalement au siècle des lumières. Ce sont des clichés simplifiés d'un imaginaire plus complexe, aussi sensuel que cruel, d'une liberté et d'une audace. On attribue à ce courant le nom de "romantisme noir" à la suite d'un ouvrage que Mario Praz, historien italien de la littérature, publia sous le titre La Chair, La Mort et le Diable dans la littérature romantique en 1930, au moment où, à Paris, les surréalistes osaient remettre au grand jour les romans clandestins du marquis de Sade. La même année, à Hollywood, en pleine dépression, les studios Universal créaient les grands classiques du film d'horreur avec Frankenstein et Dracula. C'est donc au moment où le romantisme noir se fixait dans l'imaginaire collectif grâce au cinéma américain que les intellectuels et artistes européens ont enquêtés sur les origines et ont réhabilité des créations oubliées ou méprisées.
L'exposition présente le romantisme noir en trois époques : le temps de la naissance (1770-1850), le temps de l'affranchissement et des mutations dans l'art symboliste (1860-1900) et le temps de la redécouverte dans l'art surréaliste (1920-1940). Le parcours est émaillé d'extraits d’œuvres cinématographiques de Murnau à Brunel, représentatives du passage du romantisme noir dans la culture de masse et l'imaginaire collectif contemporain.
- Origine (1770-1850)
Le déploiement du romantisme noir est lié à la rupture brutale que représentent la Révolution française et ses répercussions dans l'Europe entière : la fin d'une société d'ordre et la sécularisation. La Terreur et les guerres signent aussi l'échec de la croyance selon laquelle la raison pourrait être le seul guide de l'humanité éclairée. Les romantiques perdent la maîtrise de la nature extérieure, vécue comme démesurée, dangereuse mais à la fois sublime (l'effroi est subtilement produit par le flou d'un horizon incertain, la sensation d'étouffement, d'instabilité et de vertiges symbolisé par notamment des failles et des gouffres) et prennent au sérieux les forces sur lesquelles la raison n'a pas de prise : le corps et ses pulsions animales (pouvoir, possession, reproduction, destruction) et les forces inconscientes agissant à travers les actes irrationnels et les rêves.
Les romantiques explorent passionnément ces nouveaux espaces, d'autant plus excitant qu'ils permettent de s'émanciper des conventions sociales, morales et religieuses de la société bourgeoise. Cannibalisme, satanisme, torture, inceste, infanticide, cauchemar... sont de véritables sujets d’œuvres exploitant toutes les nuances du noir. Plusieurs héritages culturels s'offrent aux artistes : Les descriptions de l'Enfer tirées de Dantes ou de Milton, Les drames baroques shakespeariens (Macbeth, Hamlet), Faust de Goethe ou encore les superstitions populaires. Les artistes ne se contentent pas d'illustrer, ils ajoutent leur propre vision, fortement teintée d'érotisme, d'impiété et de libre pensée directement héritée du libertinage du XVIIIe siècle et de l'univers sadien. Le romantisme noir ne se réduit pas au rejet désillusionné de la philosophie des Lumière mais en est au contraire son fils caché.
- Mutation Symbolistes (1860-1900)
L'héritage romantique noir est réactivé à la fin du XIXe siècle à l'occasion d'une nouvelle période de troubles et de bouleversements : guerre de 1870, seconde révolution industrielle en Europe, crise de la démocratie...La confiance envers le positivisme scientifique et la démocratie s'essouffle, certains intellectuels s'exaspèrent de l'hypocrisie des conventions morales et artistiques bourgeoises, trop soumises aux apparences. Un certain nombre de mutations affectent la résurgence du romantisme noir et notamment l'urbanisation et l'industrialisation de la société. L'inquiétante étrangeté de certains paysages romantiques instille le vertige et le doute au cœur des métropoles modernes. La résurgence des motifs de sorcières, de vampires et la danse macabre est reliée aux hantises du phénomène social de la prostitution et des maladies vénériennes. La théorie darwinienne de l'évolution des espèces et la philosophie pessimiste de Schopenhauer ajoutent au malaise en créant l'angoisse d'une dégénérescence de l'humanité ou du moins la prise de conscience d'un lourd déterminisme pesant sur le destin des individus. Le mythe de la bonne mère nature hérité de Rousseau, autrefois renversé par le Marquis de Sade, est aboli au profit d'une vision terrifiante : la nature est une force dévorante, moteur de destruction du bonheur individuel au profit de la perpétuation de l'espèce.
- Redécouverte surréaliste (1920-1940)
Le surréalisme est l'une des formes artistiques que prends la révolte de certains cercles artistiques face à l'absurdité de la première Guerre mondiale. La ou le dadaïsme appliquait un principe radical de la table rase et le la reconstruction ionique, les surréalistes, au contraire, baignés de littérature et de poésie romantique, empruntent aux formes anciennes de subversion. Parmi elles, le romantisme noir est l'une des ascendances les plus attractives et les plus revendiquées pour sa prédilection pour l'anticonformisme esthétique des contrastes (mêlant le sublime au bouffon, la cruauté à la sensualité) et de l'excès. Le romantisme noir est l'un des premiers mouvements qui accorde de l'importance créatrice et poétique au hasard, au rêve et à l'abdication de la raison pour laisser la place aux manifestations incontrôlées du corps et de l'inconscient. Les surréalistes, tels que Dali, Max Ernest, friedrich et André Masson vont sauvés de l'oubli et de la clandestinité nombreux peintres, films ou romans noirs.
Le musée d'Orsay propose de découvrir les multiples déclinaisons du romantisme noir, de Goya et Füssli jusqu'à Max Ernst et aux films expressionnistes des années 1920, à travers une sélection de 200 œuvres comprenant peinture, arts graphiques, sculpture et œuvres cinématographiques
En voici quelques images :
Affiche de l'exposition L'Ange du bizarre, le romantisme noir.
Johann Heinrich Fussli - Thor luttant contre le serpent Midgard, 1790
Johann Heinrich Fussli -Le Cauchemar, 1781
William Blake - Le grand Dragon rouge et la femme vêtue de soleil, 1804.
Johann Heinrich Fussli -Les Trois Sorcières, 1783.
William Bouguereau, Dante et Virgile.
Victor Hugo, Main bénissante de l'abbesse.
Francisco de Goya, Ils se pomponnent, Les caprices, 1799.
Ary Scheffer, Les ombres de Paolo et Francesca dans la tourmente infernale, 1854.
Franz Ludwig Catel, Moines à la chartreuse de San Giacomo à Capri, 1827-1830.
Caspar David Friedrich, Le Portail du cimetère, 1825-1830.
Carl Blechen, Route de campagne en hiver au clair de lune, après 1829.
Auguste Rodin, La Tempête.
Edvard Munch, Vampire 1893-1894.
Jean Delville, L'Idole de la perversité, pierre noire sur papier, 1891.
Arnold Bocklin, Villa de bord de mer, 1871-1874.
Julien Adolphe Duvocelle, Crâne aux yeux exorbités et mains agrippées à un mur, crayon et fusain sur papier, 1904.
Paul Klee, Feurs de grotte.
Extraits des films :
-Un chien andalou - Luis Bunuel,1929
-Les Trois Lumières - Fritz Lang, 1921
-La Chute de la maison Usher - Jean Epstein, 1928
-Dracula - Tod Browning, 1931
-Rebecca - Alfred Hitchcok, 1940
-Faust, une légende allemande - Friedrich William Murnau, 1926
- La sorcellerie à travers les âges - Benjamin Christensen, 1922
- Los olvidados - Luis Bunuel, 1950
-La Vie criminelle d'Archibald de la Cruz - Luis Bunuel,1955
L'ange du bizarre, le romantisme noir de Goya à Max Ernst.
- 5 mars > 23 juin 2013
- Plein tarif : 12 euros
- Musée d'Orsay, 75007 Paris
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